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Laure Valée, aux côtés du champion du monde sud-coréenMin-hyung «Gumayusi» Lee (T1). (Colin Young-Wolff/Riot Games)
Moins d'une semaine après la conclusion des Mondiaux de League of Legends 2024 et le cinquième sacre des Sud-Coréens de T1 à Londres, Laure Valée, analyste et intervieweuse française pour Riot Games, l'organisateur de la compétition, dresse le bilan de cette édition.
Paul Arrivé publié le 8 novembre 2024 à 18h51
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«Qu'est-ce qui restera de ces Worlds 2024, principalement?
Laure Valée: À chaud, T1 et Faker(LeeSang-hyeok, la star de la discipline, titré mondialement pour la cinquième fois en 14 éditions au total le week-end dernier), pour ce qu'ils représentent pour ce sport. Il a gagné les Worlds cinq fois... On peut se poser la question: qu'est-ce que ça signifie à l'échelle compétitive globale, au-delà de l'esport? Être aussi performant pendant onze ans dans une industrie en constant changement, où on te répète tout le temps qu'à 25ans ta carrière est terminée, c'est fou. En plus de ça Faker a été moteur de cette performance, il est MVP de la finale. J'ai revu les quatrième et cinquième games, le niveau affiché est stratosphérique, il force le respect. Et il faut se souvenir d'où ils viennent: T1 est passé à une partie de ne pas se qualifier, Faker était blessé au poignet... Tout ce qu'ils représententetluienparticulier, c'est ce que je retiendrai.
L'ÉQUIPE
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Est-ce encore plus fort qu'en 2023 (Faker et T1 avaient remporté leur quatrième titre ensemble, sept ans après le précédent)? On avait le sentiment que l'an dernier ça tournait autour de lui, cette fois-ci plus autour de l'équipe et de ce débat sur son statut de meilleure de l'histoire de League of Legends...
Quand tu regardes l'année qu'ils viennent de vivre, oui. Ils étaient champions du monde en titre c'est vrai, mais ils ont connu des problèmes qu'ils ont mis du temps à résoudre. Lors du MSI, on a bien vu que cette équipe avait perdu le "momentum" de son sacre, ils s'en sont sortis difficilement dans une ligue sud-coréenne plus compétitive qu'en 2023 également. Ils n'arrivaient pas avec le même statut. Et puis c'était plus dur cette année, la finale était bien plus disputée. En 2023 leur titre racontait un retour, cette fois c'est une nouvelle dynastie pour T1 après 2013-2016 (trois titres sur la période). Gagner c'est difficile, mais le refaire? Ça a encore plus de valeur.
Ce résultat final et sa portée occultent tout ce qui s'est passé durant le mois de compétition qui a précédé?
C'est ce qu'on retiendra, mais ces Worlds et son issue ouvrent aussi plein de questions. Je regardais la finale avec les experts de la LPL (la ligue chinoise), Teddy, (Ze-Yuan Guan) Candice (Yu-Shuang Duan): ils parlaient de ce que représenterait une victoire de la LPL, l'influence d'un titre mondial sur leur Championnat... Cette confirmation de T1, elle interroge: est-ce que c'est bon pour le sport qu'on ait une équipe qui domine autant? Quelle sera l'influence de ce résultat sur les poursuivants de T1 et notamment en Chine, sur leur mercato, leurs investissements? Un cran en dessous, pour l'Europe et l'Amérique du Nord la rivalité historique se transforme en alliance: il faut améliorer les process de travail pour espérer combler l'écart. Ces Worlds mettent tout ça en lumière.
L'ÉQUIPE
C'est quelque chose qu'on retiendra de ces Worlds tout de même: l'échec de l'Europe.
Et c'est le deuxième consécutif, alors quels enseignements en tirer? Comment se développer dans une industrie qui ne va pas bien? Quand est-ce que ça va s'arrêter et, surtout, qu'est-ce qu'il faut faire pour que ça s'arrête? Je n'ai pas l'impression, en regardant le mercato, en entendant les gens parler, en écoutant leurs ambitions, qu'on aille dans le bon sens. Je suis plus positive quand je regarde l'Amérique, même si la ligue va beaucoup changer. FlyQuest, 100 Thieves avec ses rookies... Le succès des équipes asiatiques s'écrit aussi beaucoup avec d'anciens joueurs comme Mata (Se-hyeong Cho, aujourd'hui coach chez GenG), DanDy (In-kyu Choi, coach d'Hanwha Life Esports): ils ont connu la victoire à l'international et utilisent cette expérience dans leurs rôles actuels. Aux États-Unis j'ai l'impression qu'ils s'en inspirent, en Europe c'est plus compliqué. Mithy (Alfonso Aguirre Rodríguez), Nukeduck (Erlend Vatevik Holm), ont été les artisans du beau parcours de FlyQuest. J'aimerais voir plus de choses de ce genre.
On en attendait beaucoup plus de G2 notamment, la meilleure équipe d'Europe, ambitieuse, éliminée au premier tour... mais par les deux futurs finalistes et en montrant des choses intéressantes. C'est une déception ou un regret, en fin de compte?
C'était une déception qui s'est transformée en regrets. Maintenant, les joueurs de G2 en parlaient eux-mêmes: si tu vises le sommet tu dois battre tout le monde. Certes, ils n'ont pas eu un tirage facile, mais si on a ce genre d'ambition... Je ne suis pas trop déçue parce que l'Europe n'avait pas les armes. Mais pourquoi? Et comment faire mieux? Est-ce qu'on est vraiment passés à côté de quelque chose?
«Les Worlds en Europe, à la maison, c'est particulier. J'ai commencé mon année en sachant que ces Mondiaux se tenaient ici, alors il y a eu une sorte de course au fil des mois pour montrer que je méritais d'en faire partie»
Laure Valée
Sur le plan du jeu, on n'a pas trop l'impression d'avoir assisté à des Worlds marquants, d'un niveau très élevé. C'est votre cas également?
Il y avait des défauts clairs, mais je trouve que ça a été une des metas les plus intéressantes de ces dernières années. On a vu beaucoup plus de choses différentes en draft, avec des équipes qui voulaient contrer, jouer la lane... On a vu des champions qui n'étaient pas prévus, qui rentrent moins dans une logique de teamfights. J'ai beaucoup aimé cela, voir plus de choses en early game, en lane, plutôt qu'un style unique de bloc, avec une frontline et une backline. Et même si on a eu beaucoup de swaps, je n'ai pas trouvé cela aussi indigeste qu'au MSI.
On pense à FlyQuest notamment, qui a amené beaucoup de créativité et a bien failli surprendre GenG en quarts de finale (défaite 3-2)?
Oui, d'ailleurs c'est pour cela que j'ai été un peu déçue par G2 rétrospectivement. La créativité qui a fait l'identité de ce club en 2019 manque un peu alors que je pense que ses joueurs pouvaient le faire cette année. FlyQuest, T1 aussi, ont apporté des micro-innovations qui ont chamboulé les plans de leurs adversaires. J'ai trouvé ça intéressant. Malgré cela, oui, on a eu beaucoup de games à sens unique, ça a manqué de temps forts marquants, mais personnellement j'attribue aussi cela au format. Avant la ronde suisse (format installé en 2023), avec la phase de groupes, on avait une montée en puissance dans la compétition qu'on ne retrouve pas. J'aime bien ce format actuel mais il est assez indigeste, on commence trop fort trop vite. Il devrait être un peu différent, avec des têtes de série, déjà... On a raté des affrontements qu'on aime retrouver, entre l'Europe et l'Amérique du Nord notamment.
Après avoir dévoré GenG, Gumayusi s'est attaqué à un croissant géant sur la scène de l'Adidas Arena. (Colin Young-Wolff/Riot Games)
Vous avez conclu une année dense avec les Worlds, "spéciale" comme vous avez pu l'exprimer...
Les Worlds en Europe, à la maison, c'est particulier. J'ai commencé mon année en sachant que ces Mondiaux se tenaient ici, alors il y a eu une sorte de course au fil des mois pour montrer que je méritais d'en faire partie. J'ai beaucoup travaillé, je me suis remise en question, parce que je visais ce Graal dès que le lieu a été annoncé. Comme pour les joueurs, tu cherches à être au top pendant les Worlds mais il faut bosser toute l'année pour y être. Ensuite, les quarts et les demies à Paris ont été exceptionnels, on a encore prouvé que nous étions le meilleur public du monde. C'était important d'y être. Travailler sur les JO (avec Franceinfo) et les Worlds en France la même année, c'est inestimable. Et puis conclure sur scène aux côtés de Sjokz (Eefje Depoortere, la principale présentatrice des compétitions League of Legends anglophones), T1 qui venait de remporter sa cinquième étoile... Mais le moment avec Gumayusi (Min-hyung Lee, l'adc de T1) à Paris, après la demi-finale, restera mon souvenir personnel favori. Parce que l'initiative était drôle (lui faire déguster un croissant géant), l'a fait sourire. Et ça a rendu heureux tout le monde...»
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